Lettre de la DAJ – Les ESSMS privés ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs

11/09/2024
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L’encadrement de l’activité des gestionnaires de droit privé des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) organisé par le code de l’action sociale et des familles ne permet pas de caractériser un contrôle actif de leur gestion permettant aux autorités publiques contrôlantes d’influencer leurs décisions en matière d’attribution de marchés. Ils échappent donc, au regard de ce critère, à la qualification de pouvoir adjudicateur.
 

Par son avis Région Nouvelle Aquitaine n° 489440 du 11 avril 2024 rendu à la demande de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le Conseil d’État a écarté la qualification de pouvoir adjudicateur pour les gestionnaires de droit privé des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

 

En l’espèce, l’Association départementale pour adultes et jeunes handicapés de la Vienne (APAJH 86) a sollicité auprès du conseil régional de Nouvelle Aquitaine l’octroi de subventions européennes dans le cadre du Fonds européen de développement régional/Fonds social européen (FEDER/FSE) Poitou-Charentes 2014/2020 pour quatre dossiers relatifs à l’installation de chaufferies bois et réseaux de chaleur. La Région a rejeté ces demandes au motif que l’APAJH 86 n’a pas établi qu’elle avait respecté les obligations du code de la commande publique, auquel cette association serait soumise selon la Région. L’association conteste être qualifiable de pouvoir adjudicateur de droit privé au sens du 2° de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique qui assimile à cette catégorie « les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ».

 

Une telle personne privée est un pouvoir adjudicateur en raison de trois critères alternatifs :

  • l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
  • la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
  • l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.

C’est sur ce deuxième critère que la CAA de Bordeaux interroge le Conseil d’État. Ces trois critères visent à traduire une situation de dépendance étroite vis-à-vis d’un pouvoir adjudicateur. Plus particulièrement, le critère du contrôle de gestion doit refléter une dépendance équivalente à celle qui résulterait de la mise en œuvre des deux autres critères (CJCE 1er février 2001, Commission c/ France, C-237/99, point 49). Ainsi, la Cour de Justice de l’Union européenne a restreint ce contrôle de gestion à la capacité « d’influencer les décisions de l’organisme en question en matière de marchés publics » (Commission c/ France précitée, C-237/99, point 59 ; CJCE 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, point 69). Cette condition se vérifie donc par un contrôle actif de la gestion et non par un contrôle passif. Des contrôles comptables, de régularité ou de qualité sans conséquence sur l’autonomie du contrôlé ne remplissent pas ce critère.

 

Appliquant cette analyse au cas des ESSMS, le Conseil d’État considère que les différents contrôles prévus au code de l’action sociale et des familles ne suffisent pas à établir un lien de dépendance étroit entre l’établissement contrôlé et l’autorité contrôlante. Outre les différents contrôles budgétaires et de conformité, la possibilité de nommer un administrateur provisoire (voir en ce sens les articles L.313-14 et L.313-14-1 du CASF) en cas de dysfonctionnements ne constitue pas un tel contrôle de gestion en ce qu’elle est strictement encadrée et temporaire.

 

Deux autres prérogatives auraient pu satisfaire ce critère : la validation des emprunts supérieurs à un an (voir en ce sens l'article R314-20 du CASF) et la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (voir en ce sens les articles L. 313-11 et L. 313-12-2 du CASF). Néanmoins, la première mesure, si elle peut réduire la capacité de financement de ces établissements, ne remet pas en cause leur autonomie en matière d’achat. La seconde, si elle impose des objectifs pouvant influencer les décisions des ESSMS, leur laisse une entière autonomie dans leurs décisions en matière d’attribution de marché.

 

Source : economie.gouv.fr