La justice des mineurs en France connaît un bouleversement majeur depuis l’entrée en vigueur du Code de justice pénale des mineurs (CJPM) en 2021. Cette réforme marque la fin d’un modèle né après la Seconde Guerre mondiale, fondé sur une approche éducative et individualisée. Quels sont les changements apportés ? Quelles en sont les conséquences concrètes sur le terrain ? Et surtout, quelle société voulons-nous construire à travers cette justice pour les enfants ?
1945 : naissance d’une justice spécifique pour les mineurs
L’ordonnance du 2 février 1945 a posé les bases d’un droit pénal spécifique pour les mineurs, fondé sur un principe fort : un enfant délinquant est avant tout un enfant en danger. Ce texte a instauré :
- La priorité à l’éducatif sur le répressif
- L’individualisation des réponses pénales
- L’objectif de réinsertion plutôt que de punition
Pendant plus de 70 ans, cette philosophie a guidé les juridictions pour mineurs, tout en s’adaptant progressivement à l’évolution de la société.
CJPM : une réforme structurelle de la justice pénale des mineurs
Depuis le 30 septembre 2021, la justice des mineurs est régie par le Code de justice pénale des mineurs (CJPM). Cette réforme vise une plus grande efficacité judiciaire, en introduisant plusieurs changements majeurs :
Accélération des procédures
- Audience de culpabilité dans les 3 mois suivant les faits
- Jugement sur la sanction dans un délai de 9 mois, pour une réponse plus rapide
Mise en place d’un dossier unique de personnalité
- Suivi individualisé et continu du mineur tout au long de la procédure
Sanctions renforcées
- Possibilité d’incarcération dès 13 ans, avec une atténuation liée à l’âge
- Renforcement de l’arsenal pénal tout en maintenant une dimension éducative
Un équilibre fragile entre éducatif et répressif
Cette réforme répond à une demande sociétale croissante d’efficacité face à une délinquance perçue comme plus précoce et violente. Toutefois, de nombreux professionnels alertent sur les dérives possibles :
- Réduction du temps consacré à l’analyse de la personnalité du mineur
- Risque de décisions automatiques, au détriment de l’individualisation
- Affaiblissement du rôle éducatif de la justice
Conséquences concrètes sur le terrain
Depuis l’application du CJPM, les professionnels constatent des impacts notables :
- Augmentation du nombre de mineurs incarcérés, en particulier dans les quartiers sensibles
- Saturation des centres éducatifs fermés, souvent en tension permanente
- Professionnels de la PJJ débordés, avec des moyens insuffisants
- Magistrats et avocats en difficulté, face à des procédures accélérées et à des cas complexes
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Le débat reste vif, tant dans les milieux judiciaires que politiques. Plusieurs pistes sont évoquées pour aller plus loin :
- Abaissement de l’âge de responsabilité pénale à 10 ou 12 ans
- Peines planchers pour les mineurs récidivistes
- Suppression de l’excuse de minorité pour certains crimes graves
Quelle justice voulons-nous pour les enfants ?
La réforme du CJPM pose une question centrale : quelle vision de l’enfance et de la justice souhaitons-nous incarner ?
Souhaite-t-on une justice plus rapide ou plus équitable ? Plus ferme ou plus humaine ? Une justice qui punit ou qui répare ?
Ces choix structurent notre modèle républicain et dessinent l’avenir des générations futures. Le débat est ouvert, et il concerne chaque citoyen.