PROTECTION DE L’ENFANCE : QUAND L’URGENCE NE PEUT PLUS ATTENDRE

11/06/2025
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La protection de l’enfance en France est à bout de souffle. Les alertes se multiplient, les rapports se succèdent, les professionnels tirent la sonnette d’alarme : derrière les chiffres et les acronymes, ce sont des parcours brisés, des destins fragiles qui se jouent chaque jour. Il est temps de regarder cette réalité en face et de passer des bonnes intentions aux actes.

 

Un système au bord de la rupture

 

En avril dernier, une commission d’enquête parlementaire a dressé un constat glaçant : des enfants placés à l’hôtel sans accompagnement éducatif, des ruptures de parcours, des situations de maltraitance institutionnelle. Claire Hédon, Défenseure des droits, parle sans détour de violations des droits fondamentaux. Sur le terrain, les travailleurs sociaux composent avec des files actives démesurées, des effectifs en sous-nombre et une fatigue morale qui mine les vocations.

 

Les départements, chefs de file de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), se débattent avec des budgets contraints et un ensemble de dispositifs souvent complexes et difficiles à comprendre. Résultat : selon le lieu où il grandit, un enfant n’a pas les mêmes chances d’être protégé, accompagné, soigné. L’équité républicaine pourtant proclamée se fissure.

 

Des avancées… mais un compte à rebours lancé

 

Le gouvernement affiche plusieurs mesures :

 

  • Création annoncée d’un Haut-commissariat à l’enfance

 

  • Projet de loi attendu à l’automne pour renforcer le statut et les conditions d’accueil des assistants familiaux

 

  • Plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants jusqu’en 2027

 

  • Journée nationale de mobilisation du 15 mai dernier

 

Ces pas sont réels, mais restent insuffisants tant que des jeunes majeurs, à 18 ans, quittent l’ASE avec une simple valise et un numéro d’urgence, ou que des fratries se retrouvent dans des hôtels faute de places spécialisées. Quand les urgences sociales deviennent la norme, l’État de droit chancelle.

 

Changer de paradigme : quatre priorités

 

Une gouvernance claire et réellement nationale

 

La protection de l’enfance ne peut plus dépendre uniquement des aléas budgétaires des départements. Une stratégie pilotée depuis l’État, combinée à une contractualisation solide avec les collectivités, offrirait un cadre stable et lisible.

 

Revaloriser les métiers du lien, du soin, de l’écoute

 

Sans éducateurs, psychologues, puéricultrices et assistants familiaux formés et motivés, aucune réforme ne tiendra. Salaires, formations continues, temps d’équipe : tout doit être repensé pour fidéliser ces professionnels essentiels.

 

Garantir l’égalité de prise en charge sur tout le territoire

 

Un enfant doit bénéficier des mêmes standards de protection à Lille qu’à Perpignan, en zone urbaine comme en milieu rural. Référentiels nationaux, contrôle indépendant et indicateurs publics peuvent y contribuer.

 

Remettre l’enfant au centre

 

Il ne s’agit pas d’un « dossier » mais d’une personne avec une histoire, des besoins, des droits. Écouter sa parole, co-construire son projet de vie, préserver ses liens familiaux lorsque c’est possible : autant de principes qui doivent passer du discours aux pratiques quotidiennes.

 

Un appel à la responsabilité collective

 

La protection de l’enfance transcende les clivages politiques : elle engage notre conscience citoyenne, notre pacte républicain, notre avenir commun. Un enfant protégé aujourd’hui est un adulte qui se construira demain avec confiance plutôt qu’avec la rage ou la détresse.

 

La balle est dans le camp des décideurs, mais aussi dans le nôtre : associations, entreprises, médias, simples citoyens. Soutenir une structure locale, proposer un hébergement solidaire, relayer les rapports, interpeller les élus : chacun peut contribuer à bâtir un système plus juste.

 

Parce qu’aucune société ne peut se dire pleinement civilisée si elle laisse ses enfants à la rue ou ses professionnels à bout de souffle, faisons de la protection de l’enfance non plus une question sectorielle, mais une cause nationale prioritaire. L’urgence ne peut plus attendre.